Lorsqu’on observe ces petits tas de terre dans nos jardins, peu nombreux sont ceux qui réalisent l’ingéniosité incroyable de la créature qui en est responsable : la taupe. Cet animal discret, souvent maudit par les jardiniers, est en réalité un maître de l’adaptation et de la survie. Découvrons ensemble les compétences exceptionnelles et l’habileté surprenante de la taupe.

Tout savoir sur la taupe

Taupe : maître artisan du monde souterrain

Adaptation et évolution

À l’origine, la taupe était un habitant des forêts. Cependant, la déforestation massive en Europe au cours des derniers siècles l’a forcée à s’adapter à de nouveaux environnements. D’abord dans les champs agricoles excessivement traités, elle a fini dans nos jardins.

Ce changement de milieu n’a fait qu’exacerber l’ingéniosité de cet animal. Malgré les bouleversements de son habitat naturel, la taupe a su transformer son mode de vie pour survivre et prospérer dans des terrains variés, y compris nos jardins.

Une maîtrise unique de la terre

La particularité la plus frappante de la taupe est sans doute sa « main », un outil extraordinairement efficace pour ses travaux de terrassement. Transformée en une pelle puissante, cette main lui permet de creuser des galeries avec une efficacité redoutable. Ressemblant étrangement à une main humaine munie de griffes, cet outil est l’élément clé de sa capacité à aménager son environnement souterrain.

Sens aiguisés et navigation souterraine

Bien que presque aveugle, la taupe est loin d’être désavantagée. Elle possède une ouïe très fine qui capte le moindre bruit amplifié par les galeries, et des poils tactiles sur son museau, ses pattes arrières et sa queue qui lui permettent de détecter les vibrations du sol. Ces capacités sensorielles lui permettent de se repérer et de chasser avec une précision remarquable.

La taupe a des yeux minuscules (diamètre d’un milimètre). Elle voit très mal mais elle n’est pas aveugle. Elle distingue l’ombre et la lumière.

L’odorat est très développé et peut détecter à l’odeur des proies jusqu’à une dizaine de centimètres de distance.

Le sens tactile est remarquablement développé. A l’extrémité du museau sont situés les organes dits d’Eimer. Il s’agit d’un ensemble en forme de rosette avec un poil central qui est constitué de plusieurs centaines de structures sensibles. Le museau comporte de nombreuses vibrisses comme les chats.

Sa petite queue lui permet de détecter les mouvements des vers forant la terre. Elle est donc très sensible aux vibrations.

Techniques de chasse et gestion des ressources

La taupe est un chasseur carnivore, se nourrissant principalement de vers de terre, mais aussi d’autres petits invertébrés. Elle utilise plusieurs techniques de chasse ingénieuses :

  • Vitesse : Pour chasser, elle parcourt ses galeries à grande vitesse, 1 mètre par seconde, soit 3,6 km/h, ce qui est considérable pour un si petit animal.
  • Écoute et vibrations : Elle utilise ses sens aiguisés pour écouter et ressentir les vibrations des proies proches.
  • Extension des galeries : La taupe creuse de nouvelles galeries pour étendre son territoire de chasse, déplaçant ainsi une quantité de terre égale à 10 fois son poids. Ce sont ces galeries supplémentaires qui sont visibles à nos yeux : les fameuses taupinières.

La taupe est active toute l’année surtout quand le sol est humide c’est-à-dire en automne et au printemps. En période de pénurie, la taupe fait preuve d’une inventivité exceptionnelle en « conservant » ses proies.

Pendant les pluies d’automne, lorsqu’elle trouve beaucoup plus de vers de terre qu’elle ne peut en manger, elle leur coupe la tête pour les immobiliser et les stocke ensuite dans des cachettes près de son nid. Cette stratégie lui permet d’avoir des réserves de nourriture pendant l’hiver, démontrant une capacité de planification impressionnante.

Taupe : architecture souterraine complexe

Les galeries de la taupe sont réparties sur plusieurs niveaux :

  • Réseau de surface : Au ras du sol, souvent éboulé, mais facile à creuser.
  • Réseau moyen : À 10 ou 20 cm de profondeur. Ce sont les galeries de chasse et les galeries de passage celles où il faut poser vos pièges à taupe.
  • Réseau profond : Souvent à 50 cm sous le sol. Ce sont les galeries de passage.

La gestion de ces tunnels pose des défis en termes de ventilation, mais la taupe possède des adaptations physiologiques uniques : des poumons surdimensionnés, un volume sanguin élevé et une concentration élevée d’hémoglobine. Ces adaptations lui permettent de survivre dans des conditions de faible oxygénation.

Différents types de galeries

Le réseau de galerie peut mesurer entre 100 m et 200 m de long au total sur une superficie de 300m² à 400m² en moyenne. J’ai constaté de mon côté que le territoire d’une taupe est bien plus grand que celui qu’on peut s’imaginer. Son territoire peut aller beaucoup plus loin voire 5 000 m² en fonction de la configuration du sol (sol peu fertile).

Les galeries sont plus ou moins profondes selon la nature du sol souvent à 10 ou 20 cm de la surface parfois moins de 5 cm et jusqu’à 1 m de profondeur dans les sols meubles. Presque tous les terrains leur conviennent. Les prairies et sols forestiers sont leurs milieux privilégiés.

On distingue 2 types de galeries : un réseau permanent, régulièrement emprunté par diverses taupes qui ne donne pas forcément lieu à expulsion de terre en surface. C’est un réseau souvent créé par des anciennes taupes et empruntées par des générations et des générations de taupes. On se rend compte de l’antériorité de ce réseau par l’aspect travaillé à l’intérieur des galeries.

Le réseau permanent est entretenu régulièrement, on peut apercevoir des taupinières souvent discrètes lors d’une réparation de leurs tunnels suite à un bouleversement de terrain ou des inondations qui les font s’effondrer.

La taupe est un animal solitaire mais il est possible d’attraper plusieurs taupes dans la même galerie. De mon côté j’ai constaté que les taupes se répartissent le terrain mais qu’ils peuvent emprunter des galeries communes avec leur voisin ou des galeries vacantes suite à la prise d’un voisin.

Le second réseau est celui des galeries de chasse, réseau temporaire qui donne lieu à l’émergence de taupinières. La taupe parcourt ses galeries du réseau permanent et crée des galeries de chasse en partant de son tunnel principal, c’est à ce moment que ce crée les fameuses taupinières. Lorsque la taupe chasse, elle peut creuser 20 m de galeries temporaires par jour.

En fonction de la saison, elles peuvent se trouver à faible profondeur. Notamment lorsque la terre est humide, les lombrics se trouvent en surface. Ce réseau temporaire qui crée des taupinières visibles à la surface est utilisé plusieurs fois ensuite il est abandonné. La taupe parcoure en moyenne toutes les 3 à 4 heures son réseau de galerie en fonction de sa taille.

Vie sociale et reproduction

Les taupes sont des animaux solitaires, chaque individu défendant son propre réseau de galeries pouvant aller de 300 m² à 5000 m². Cependant, à la fin de l’hiver, les mâles partent en quête de femelles pour se reproduire. Les petits, après leur naissance, grandissent rapidement grâce à un lait maternel riche :

  • Naissance : Fin avril, les petits naissent dans un nid bourré de feuilles sèches.
  • Croissance : Les quatre petits, rouge vif à la naissance, changent de couleur pour devenir roses, gris ardoise puis noirs en quelques semaines. Ils passent de 3,5 g à la naissance à 60 g en 3 semaines.

Fin de vie et héritage

La taupe ne vit généralement que 3 à 4 ans. Ses dents très pointues ne repoussent pas et s’usent très vite en raison des grains de sable contenus dans les lombrics. Un jour vient où elle ne peut plus les mâcher. Ses galeries patiemment construites ne seront pas perdues pour tout le monde : un jeune ou un voisin va aussitôt les occuper, assurant ainsi la continuité de son réseau souterrain.

Le réseau souterrain est considérable. Raison pour laquelle vous pouvez voir apparaitre une taupinière sur votre pelouse. L’absence de taupinière ne signifie pas l’absence de taupe. Elle peut vivre des années sans être visible.

De mon côté je ne compte pas éradiquer les taupes (c’est impossible) mais juste réguler leur prolifération. Une surpopulation dans mon terrain signifie la création de nouveaux réseaux de galeries donc de nouvelles taupinières. Confinées dans leurs galeries, elles ne posent aucun problème, ce sont les taupinières que je déteste.

Conclusion

La taupe est un exemple fascinant d’adaptation et de survie. Sa capacité à modifier son environnement, ses techniques de chasse ingénieuses et son architecture souterraine complexe témoignent d’une ingéniosité remarquable. J’admire cette petite créature pour ses talents d’ingénieur naturel et ses stratégies de vie astucieuses.